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The World of LF

G3YXM

Expédition LF à l'île de Man

L'activité dans les bandes LF et VLF ne cesse de croître en Europe, le seul pays en retard dans ce domaine étant, comme on s'en doute, la France (lenteur administrative oblige !). Tout récemment, un trio d'amateurs britanniques s'est rendu à l'île de Man (GD), afin de permettre à ceux qui osent s'aventurer sur 136 kHz et 73 kHz d'inscrire une nouvelle entité DXCC dans leur log. Récit, en attendant d'être autorisés…

C'est David, GØMRF, qui a suggéré le premier de monter une expédition LF sur l'île de Man (GD). Les radioamateurs de cette petite île qui est une entité DXCC à part entière, sont autorisés à trafiquer sur 136 kHz, mais jusqu'à présent, aucun d'entre eux n'est encore apparu sur les grandes ondes. Il fallait donc que quelqu'un fasse le nécessaire…

Le ferry et la maison du gardien du phare ont été retenus pour un séjour du 19 au 22 novembre (tarifs hors saison pas chers !). L'idée consistait à pouvoir étendre un aérien de taille conséquente entre la phare et un mât télescopique sur la plage afin d'émettre un signal de bonne qualité, tout en préservant la santé des opérateurs qui resteraient au chaud.

Les trois opérateurs, David, GØMRF, Graham, G3XTZ, et moi-même, devions tous fournir du matériel. L'inventaire s'est finalement terminé avec quatre émetteurs LF, trois récepteurs, des kilomètres de fil, cinq alimentations, des tas de mâts, haubans, piquets, bobines, manipulateurs, outils et de quoi se nourrir.

En route pour l'île de Man

Vendredi 19 novembre. Graham et David vident le contenu de leurs stations respectives dans la voiture de Graham et prennent la route à 7 heures du matin pour venir me rejoindre à Birmingham. Ils arrivent vers 9 heures 45, et nous commençons à transférer le contenu de leur voiture dans ma camionnette, déjà à moitié pleine. Toute la matinée, j'avais effectué des dizaines d'aller-retour avec ma brouette pour charger tout mon matériel !

Nous parvenons à tout charger, de justesse et, tous les trois, déjà fatigués, nous partons pour un voyage de 240 km vers le port de Heysham. Malheureusement, un individu pense qu'il est de bon ton d'avoir un accident et nous sommes retardés. Plus tard, un cailloux vient casser notre pare-brise ! Chouette, ça commence bien !

Après les horreurs de l'autoroute M6, nous roulons vers Heysham avec beaucoup d'avance sur l'horaire prévu, de quoi se taper un "bacon and eggs" avant l'embarquement du ferry. Il faut avoir le ventre bien calé pour prendre le bateau entre l'Angleterre et l'île de Man…

La traversée fut calme, avec une météo clémente. Nous arrivons à Douglas vers 18 heures 30 ; bien après le coucher du soleil. A l'arrivée, nous partons pour Point of Ayre, à la pointe nord de l'île. J'avais déjà vu des images de l'endroit sur l'Internet, à l'adresse www.longwaveradio.com. C'était un endroit vide et je me demandais ce à quoi il ressemblerait dans le noir…

Nous empruntons de nombreux chemins, quittant Ramsey, pour se rendre à Bride, là où il y a un panneau indiquant "Point of Ayre". Le terrain semble s'aplatir, et nous voyons le phare s'approcher devant nous, s'élevant à l'horizon.

Plus on s'approche, plus nous apercevons les bâtiments alentour et les autres structures. La route mène vers les structures du phare et l'on cherche après le "responsable" de l'endroit.

Nous le rencontrons, et nous lui demandons où nous allons loger. Cependant, l'accès au phare est compromis, et nous devons demander l'autorisation d'y monter à Albert ou à Fred. Notre interlocuteur n'a pas la clef…

Étude du site

Quelque peu déçus, nous étudions l'endroit. Le responsable du phare n'est pas joignable et nous devons étudier d'autres possibilités. Je suggère de prendre une tasse de thé. Graham suggère de prendre un bon petit-déjeuner, mais ce n'est pas le moment. Du coup, on s'est tous mis à décharger la camionnette, dont le superbe récepteur Racal et l'émetteur de Graham. On n'a peut-être pas d'antenne, mais au moins on a un shack !

Suffisamment nourris avec une tasse de thé et quelques biscuits, nous étudions les options qui se présentent à nous. Les mauvais points : le fenêtres de la maison ont été fraîchement repeintes, bien collées, ce qui nous empêchera de sortir des fils dehors. Les bons points : nous nous trouvons au bord de la mer qui se trouve à près de 250 m, et le bâtiment accessible sera un bon point de fixation pour l'antenne. Le mât de 12 m nous servira de point d'attache à l'autre extrémité. On pourra même installer le mât dans l'escalier qui mène au logement, ce qui nous fera gagner encore 4,50 m.

Mais tout cela constituera le programme du lendemain. En attendant, la lune éclaire suffisamment la plage pour envisager le lancement du cerf-volant ; on sera sur l'air ce soir !

A quelques pas de l'entrée de la propriété, il y a un panneau indiquant la direction de la plage. Nous le suivons, et nous nous retrouvons sur un petit parking longeant la plage. David et Graham déroulent quelques centaines de mètres de fil à travers la plage et lancent une prise de terre dans la mer, tandis que je m'occupe de faire voler le cerf-volant et d'installer le matériel d'émission-réception à l'arrière de la voiture.

Peu de réglages suffiront pour envoyer quelques ampères dans le fil d'antenne. La bande est active. Nous envoyons un premier "CQ". En guise de réponse, on se croirait sur 20 mètres ! Un pileup ! Quelque chose avec "TN"… Oui, c'est OH1TN ! 589 pour la peine. Quel bonheur !

Les QSO ne cessent de se suivre : SM4DHN, G4GVC, SM6PXJ et G6RO avant de passer le manipulateur à Graham et à David.

David dans la voiture tentant d'établir une liaison sur 136 kHz.

Pendant la soirée, le cerf-volant se balade en l'air au gré du vent, donnant pas mal de QSB selon les stations qui nous contactent. Le seul véritable problème vient du fil d'antenne qui touche parfois la carrosserie de la voiture et qui, du coup, désaccorde l'ensemble. Cela crée des étincelles et je me résigne à fixer quelques épaisseurs de polystyrène sur la portière pour empêcher cela.

Vers la fin de notre vacation, le courant sur l'antenne a chuté à moins d'un ampère. Nous pensons qu'il y a un problème avec l'émetteur, mais il n'en est rien ; la marée est basse, et le "sol" est devenu sec. Nous devons arrêter là.

Graham est froid!

Installation des antennes

Samedi 20 novembre. Tout le monde est debout à 7 heures du matin pour ériger l'antenne. Mais avant, c'est l'heure de se taper un bon petit-déjeuner. De plus, en bons touristes que nous sommes, nous devons faire un peu de shopping.

Retour aux antennes. L'analyse de la configuration de l'endroit donne les résultats suivants : la corne de brume abandonnée se trouve à quelque 250 m de la maison où nous logeons. De plus, elle est facilement accessible. Bien qu'elle ne fasse que 10 m de haut, ce sera un bon point d'ancrage pour notre long-fil de 200 m. Nous décidons d'installer le mât au niveau des escaliers extérieurs, ce qui nous donnera une hauteur d'environ 18 m, de quoi obtenir un dégagement suffisant et une résistance favorable face au vent dominant.

A l'autre extrémité du fil, la corne de brume.

Une fois le mât assemblé, nous l'érigeons et le fixons contre le mur du bâtiment. L'ensemble n'est pas très stable. Un haubanage de fortune nous permettra de le stabiliser malgré tout.

Puis, nous déroulons 200 mètres de fil afin de le tendre entre le mât et la corne de brume distante. Malheureusement, malgré la finesse du fil, nous ne parviendrons pas à le décoller du sol. Je retourne à la voiture pour trouver un fil encore plus fin. Il sera plus fragile, mais il suffira de faire attention. Un isolateur type "brosse à dents YXM" est fixé à l'extrémité du fil, avec une ficelle dans le prolongement. Graham utilise son catapulte pour faire passer la ficelle par-dessus l'une des cornes de brume en haut de la vieille tour. Le fil est enfin tendu. Sa hauteur est estimée à environ 10 m, un peu moins au centre à cause du poids. Pendant ce temps, David a déroulé 250 m de fil en direction de la mer pour constituer une terre. De gros cailloux le maintiendront en place et empêcheront les passants de se prendre les pieds dedans. A 9 heures 30, l'antenne est prête. Divers morceaux de coupleur sont rassemblés en haut de l'escalier et le câble coaxial parcourt la maison jusqu'à la station.

Le mât (plus ou moins) vertical supportant le long-fil de 200 m.

Le fil étant relativement long et près du sol, il faudra moins d'inductance que prévu pour l'accorder et ma bobine ne convient pas. Il faudra la modifier légèrement pour l'occasion.

Le premier problème est que l'émetteur de David, fraîchement construit, ne délivre pas plus de 200 watts sans montrer des signes d'instabilité. Nous pensons qu'il s'agit de l'alimentation mais il n'en est rien. Changement d'émetteur. Nous parvenons en fin de compte à faire passer un courant de 4 ampères dans le fil d'antenne, ce qui est probablement un peu trop, alors on se débrouille pour le réduire à 3 ampères.

Le coupleur d'antenne en haut de l'escalier.

Le passage en réception révèle la triste vérité : le niveau de bruit est désastreux ! Par la suite, on nous apprend que le phare est bourré de matériel électronique pour commander la lumière, ce qui provoque inévitablement une cacophonie que tous les opérateurs LF et VLF savent reconnaître.

Les problèmes commencent…

On devra utiliser l'antenne boucle. Nous déroulons donc 50 m de câble coaxial (c'est-à-dire tout ce que nous avons à disposition) pour connecter l'antenne. Elle fonctionne passablement, et je suis persuadé que nous ne ferons pas de DX avec. Malgré tout, un premier appel nous permettra de contacter GW4ALG, G3GRO et G6NB avant de se faire arracher les oreilles à 599 par Finbar ! Quatre pays dans le log, ce n'est pas si mal pour un début. Il est l'heure de manger.

G3XTZ, G0MRF et G3YXM.

Nous explorons Ramsey, les délices de Safeway et un restaurant dont le nom m'a échappé. Après s'être alimentés, nous revenons à la station pour tenter une liaison record avec G3LDO sur 73 kHz.

Il fait beau ce jour-là et de nombreux badauds se promènent sur la plage. Ne voulant pas risquer de blesser qui que ce soit, le cerf-volant ne décollera pas et on se concentre sur autre chose. Mieux vaut attendre la nuit. Nous parvenons à faire passer 2,5 ampères dans l'antenne 73 kHz ce qui devrait nous emmener quelque part. Le PC portable est installé et les logiciels QRS et Spectrogram fonctionnent.

De retour au parking à la tombée de la nuit, le vent est variable mais le cerf-volant pourra quand même décoller. Nous parvenons à contacter IK5ZPV et I5MXX avec de bons signaux de part et d'autre, ainsi que d'autres stations. David écoute à la station et nous réalisons notre premier QSO de GD à GD. Super le DX ! Le vent tombe et il est difficile de maintenir le cerf-volant en l'air, alors nous revenons à la station pour tenter un peu de trafic QRS sur 136 kHz. Je suis sûr d'avoir vu HB9ASB passer sur l'écran (pas lui, ses signaux !) mais nos appels resteront vains.

Graham dans le shack.

La grande nouvelle du jour concerne les essais sur 73 kHz. Nous tentons d'écouter Peter, G3LDO, et nous sommes surpris par le faible niveau de bruit. L'heure du sked arrive et le signal de Peter est visible sur l'écran de l'ordinateur. Son émetteur n'est pas très stable mais nous restons confiants pour réaliser le QSO.

Peter parvient à voir notre transmission mais l'évanouissement ne nous permet pas d'échanger un report. Nous décidons de recommencer le lendemain matin. Il est l'heure d'installer la balise QRS sur 136 kHz pour la nuit, car les américains vont tenter de l'entendre.

Cerf-volant kamikaze

Dimanche 21 novembre. Il est quatre heures du matin et un doute me traverse l'esprit. J'ai peur pour mon émetteur. En réalité, tout va bien. Il y a toujours 2,5 ampères sur l'antenne et l'appareil ne chauffe pas excessivement. Je retourne au lit, le réveil ne devant sonner, pour ma part, qu'à 7 heures du matin. En revanche, David a rendez-vous sur 136 kHz une heure avant avec DJ5BV… qu'il ne contactera pas. Il aura plus de succès avec G3LDO sur 73 kHz (480 km !). Les reports sont échangés et, alors que je regarde l'écran, me disant "je suis sûr qu'il y a un signal juste là", Mike, G3XDV, nous passe un coup de fil pour nous signaler qu'il nous a entendu et que nous devons le chercher. Les signaux sont faibles, trop faibles pour échanger un report. Le rendez-vous sera donc reporté au dimanche soir. Nous tentons une nouvelle fois de faire décoller le cerf-volant, mais cette fois au nord du phare où la plage est plus étroite, ce qui nous permet de nous rapprocher de la mer. Il nous suffira de 100 m de fil pour atteindre l'eau. Graham utilise sa célèbre technique du javelot pour lancer le piquet de terre dans la mer.

Les courant et tension sur l'antenne sont meilleurs qu'auparavant. Le fait d'être plus près de la mer fait toute la différence. Nous contactons GI3PDN, DJ5DI et DJ5BV, ainsi que PAØSE et PA2NJN. Tout marche bien.

Sur la plage, avec le cerf-volant 136 kHz.

Nous aurons quand même quelques problèmes avec le cerf-volant pendant cette vacation. Il exhibe une sérieuse tendance à vouloir plonger dans la mer. L'eau amortit bien les chocs. Le cerf-volant est un peu plus mouillé à chaque plongeon, mais ce n'est pas grave. Il décolle à nouveau et je passe en émission. Soudainement, le fil d'antenne tombe sur la plage et le cerf-volant réalise un plongeon vertigineux vers le sol. La ficelle mouillée a provoqué un arc électrique ce qui l'a brûlé. Il suffira de la remplacer pour se retrouver à nouveau sur l'air.

De retour à la maison, nous mangeons et effectuons quelques QSO depuis la station fixe. EIØCF a un super signal et nous lui demandons de nous écouter lorsque nous serons dehors avec le cerf-volant. Dans l'après-midi, le vent est tombé et le cerf-volant est difficile à faire voler. Il décollera quand même, mais effectuera un nouveau plongeon dans la mer et s'en sortira avec un espar cassé. Il nous faut changer de cerf-volant. Nous réussissons à contacter G3BDQ et quelques autres malgré le bruit statique ramassé par l'antenne. Cela crée pas mal de difficultés pour entendre et quelques cris de la part des opérateurs qui prennent le "jus" en tentant de connecter le coupleur !

Le cerf-volant est mort...

Il commence à faire froid et nous n'avons toujours pas entendu Finbar. Je l'appelle sur le téléphone portable et il m'annonce qu'il revient de chez le docteur qui lui a demandé de rester au lit. En bon radioamateur qu'il est, il se dirige vers le shack et nous le contactons 599 de part et d'autre !

Quelques bières et ça repart !

Nous décidons de sortir en ville ce soir-là, histoire de déguster quelques pintes de bonne bière, avant notre sked sur 73 kHz avec G3XDV, à 22 heures. Il n'est que 18 heures 30 et nous apprenons que les pubs n'ouvrent qu'à 20 heures ! David suggère que nous allions à Belaugh Bridge où il y a un bon pub. Nous y arrivons vers 19 heures 15 et on se promène pour tuer le temps. A 20 heures, nous entrons dans le pub et apprenons qu'il était ouvert depuis 19 heures ! Malgré tout, la bière est bonne et la compagnie conviviale. Si conviviale d'ailleurs que nous manquons de rater notre sked. Le signal de Mike, G3XDV, est faible, mais les reports seront quand même échangés pour compléter notre second QSO sur 73 kHz. A 23 heures 30, la balise QRS est remise en service et nous allons tous nous coucher.

Lundi 22 novembre. Je suis réveillé par la pluie battant la fenêtre. J'imagine que la pluie va modifier les réglages alors je coupe l'émetteur. Il est chaud, mais produit quand même 2 ampères sur l'antenne. Je retourne au lit sans vraiment retrouver le sommeil, imaginant un tas de catastrophes, comme le mât qui plie avec le vent, etc. Debout à 7 heures, le mât est toujours à la verticale, malgré le vent. David contacte GI3PDN mais l'accord de l'antenne change sans cesse. Il est l'heure de plier bagage. Une meilleure organisation nous permet de mieux ranger le matériel dans la voiture. Nous quittons les lieux vers 11 heures, cherchons à manger, achetons des souvenirs pour nos familles respectives, avant de prendre le bateau vers Heysham.

Nous avons passé un bon week-end. La qualité de la réception est ce qui nous aura le plus étonnés. Nous avons entendu des stations avec d'excellents signaux alors que nous les entendons habituellement aux alentours de 579. Je suis persuadé que les gens pensaient que nous avions beaucoup de puissance. G4GVC nous a passé un report de 10 dB au-dessus de S9 le dimanche après-midi et nous le recevions dans les mêmes conditions, alors que c'est ce même signal que l'on peut constater chez nous, et nous habitons à 50 km l'un de l'autre !

Le message est clair : si vous voulez faire du DX en LF, allez au bord de la mer !

Merci à tous ceux qui ont tenté de nous entendre, et en particulier à Graham et David qui ont été de bons compagnons durant l'expédition. A bientôt pour un "new one" !

Dave Pick, G3YXM

Translation, Mark A. Kentell, F6JSZ.